Argenteuil, les quartiers, les jeunes... et moi
Argenteuil, les quartiers, les jeunes... et moi
Par Ekrem YILDIRIM - Mediateur de terrain a Argenteuil depuis 2013
Il y a des quartiers qu'on traverse. Et d'autres qu'on habite, qu'on ecoute, qu'on comprend. Depuis
2013, je marche dans les rues d'Argenteuil, non pas comme un passant, mais comme un temoin du
quotidien. En tant que mediateur, j'ai choisi d'etre present sur le terrain, chaque jour, sans relâche.
J'ai entendu les rires dans les cages d'escaliers, j'ai percu les coleres dans les silences, j'ai vu des
reves etouffes par les stereotypes. J'ai vu Argenteuil changer. Des regards se fermer. Des portes
aussi. Mais j'ai aussi vu des projets naître, des passerelles s'installer entre les jeunes et les
institutions, des chemins s'ouvrir la où tout semblait bouche.
Si je prends la plume aujourd'hui, c'est pour dire les choses. Parce qu'on ne peut pas comprendre
ce que vivent les jeunes avec seulement des chiffres. Il faut ecouter leurs realites.
France - Val-d'Oise - Argenteuil : constats croises, urgences locales
On dit souvent que la jeunesse est l'avenir. Mais que faisons-nous pour leur present ?
En France, de nombreux jeunes quittent le systeme scolaire sans diplôme, sans reperes, sans
accompagnement. Dans le Val-d'Oise, ces inegalites sont encore plus visibles. Selon le quartier où
l'on naît, les reves ne sont pas les memes. Et les chances non plus.
À Argenteuil, ces constats prennent une dimension tres concrete. Le decrochage scolaire y est
courant. Le chômage est une angoisse quotidienne. Et les institutions, trop souvent, paraissent
lointaines ou froides aux yeux des jeunes.
Le besoin des jeunes : appartenance, soutien, confiance
L'association Jeunactio accompagne chaque annee plus de 1000 jeunes. À travers des entretiensindividuels, des ateliers de CV et de lettres de motivation, des projets de courts metrages, des
rencontres avec les forces de l'ordre ou encore des actions d'orientation professionnelle, nous
tissons des liens d'espoir.
Ce travail n'aurait pas ete possible sans l'implication de la municipalite d'Argenteuil, le soutien
precieux des dispositifs de la Politique de la Ville, et les financements de la prefecture et des
partenaires institutionnels locaux.
Grâce a une utilisation rigoureuse, transparente et pertinente des ressources, des idees sont
devenues projets, et ces projets sont devenus des experiences concretes qui transforment la vie
des jeunes.
Ce que veulent vraiment les jeunes : du lien, du sens, de l'ecoute
Je ne parle pas a leur place. Mais apres des centaines d'heures passees a les ecouter, je peux
affirmer ceci :
- Ils veulent etre regardes avec respect.
- Ils ont besoin d'espaces pour s'exprimer librement.
- Ils esperent qu'on leur tende la main, sans les juger.
- Ils cherchent un dialogue sincere avec les institutions.
Ils veulent apprendre, comprendre leur environnement, et surtout trouver leur place dans une
societe qui leur semble parfois fermee.
Le rôle du mediateur : ni policier, ni educateur - mais un lien
Être mediateur, ce n'est pas seulement gerer des conflits. C'est detecter l'invisible. Prevenir avant
qu'il ne soit trop tard. Aller vers, sans attendre qu'on vienne a nous.Dans mes projets, nous avons parle cinema, securite numerique, insertion, estime de soi, travail
d'equipe. Nous avons emmene des jeunes a France Travail, a l'EPIDE, a la Mission Locale. Nous
les avons formes a la prise de parole, a l'ecriture de CV, a la realisation de courts-metrages.
Et ce n'est pas termine. Parce que tant qu'un jeune sera en souffrance, un mediateur devra lui
tendre la main.
Et maintenant ?
Ce texte n'est pas un constat pessimiste. C'est un appel.
Les institutions doivent se rapprocher du terrain. Les jeunes doivent etre inclus dans les decisions
qui les concernent. Les mediateurs doivent etre reconnus, soutenus, valorises.
Moi, a Argenteuil ou ailleurs, je continuerai ce que je fais depuis plus de 10 ans : ecouter, relier,
construire.
Parce que regarder un jeune autrement, c'est deja commencer a changer le monde.